Finance islamique au Maroc : “Enrichissez-vous !”

Bourse de Casablanca
La bourse est le véritable enjeu des banques participatives et du Takaful

Editorial

Le mot d’ordre de la finance islamique n’est pas “Endettez-vous !” mais “Enrichissez-vous !”. Les banques partîcipatives marocaines seraient bien avisées d’intégrer cette consigne dans leur stratégie de développement pour devenir des centres de création de richesses au profit des entreprises et des particuliers, non des machines à fabriquer de la dette comme leurs homologues conventionnelles.

L’Islam encourage à être productif, financièrement indépendant et à participer au développement de la communauté. Il déconseille l’endettement sauf en cas de grande nécessité et invite à vivre selon ses moyens.

“Mourabaha : non, merci !”

Le Maroc s’est doté d’un cadre législatif et réglementaire solide à même d’assurer un développement harmonieux de la finance participative islamique. Il reste à craindre cependant que le premier réflexe des nouvelles institutions financières participatives ne soit de répliquer les produits basés sur l’intérêt, répétant ainsi les erreurs déjà commises ici et ailleurs, avec les résultats décevants que l’on connaît.

La solution de facilité pour des cadres issus des rangs de la finance classique consiste à «islamiser» les produits conventionnels avec lesquels ils sont familiers, à travers des montages compliqués, coûteux et rigides, qui comportent au final de nombreuses lacunes.

A titre d’exemple, dans le cas d’un financement immobilier par Mourabaha, si l’acquéreur décide pour une raison ou une autre de procéder à un remboursement anticipé du financement, il devra payer le même prix que s’il continuait à payer ses traites jusqu’à l’échéance initialement prévue. Au-delà du caractère halal ou pas, ceci constitue évidemment un handicap par rapport au crédit immobilier à intérêt.

La bourse est le véritable enjeu des banques participatives et du Takaful

Les opérateurs financiers sont invités à saisir les vraies opportunités que permet la grande diversité des instruments de la finance islamique et de sa capacité d’adaptation dans le nouveau cadre réglementaire de la finance participative.

La force de la finance islamique réside dans sa capacité à financer l’économie réelle et à générer un profit équitable pour tous les intervenants. La bourse et le marché des capitaux devraient constituer à ce titre un terrain privilégié d’intervention pour les institutions financières participatives.

Le projet de loi n° 19-14 relative à la bourse des valeurs, aux sociétés de bourse et aux conseillers en investissements financiers, actuellement dans le circuit législatif, constitue la dernière initiative en date pour dynamiser la bourse de Casablanca. Celle-ci ne s’est jamais vraiment remise de l’explosion de la bulle spéculative des valeurs Internet de la «nouvelle économie» au début des années 2000.

La réforme de la bourse prévoit la mise en place d’un nouveau cadre réglementaire et l’instauration d’un marché secondaire pour les PME. Mais c’est surtout l’article 124 de la loi n° 19-14, ouvrant la porte à la cotation des Sukuk, qui est en mesure de relancer le marché boursier dont le véritable essor nécessite un afflux massif des investisseurs particuliers.

Des produits financiers grand public d’épargne et de placement

Déçus par les crashs précédents ou tout simplement peu informés du fonctionnement des instruments boursiers, les investisseurs particuliers ne se mobiliseront que pour des produits de placement plus performants que le livret d’épargne et plus stables que les actions de startups.

Des Sukuk adossés à des projets immobiliers ou industriels de qualité peuvent très bien remplir ce rôle pour devenir la locomotive de la bourse. L’Etat peut également contribuer à la dynamisation de la Bourse de Casablanca en émettant des Sukuk pour financer des projets d’infrastructure phares.

Ces Sukuk serviraient de support à des produits financiers d’épargne et de placement. Ces produits grand public seraient distribués dans l’environnement sécurisant et familier d’une agence bancaire, en intégrant toutes les fonctionnalités du mobile banking et en adoptant un message affinitaire mobilisateur.

Une stratégie dynamique d’émission de Sukuk adossés à plusieurs classes d’actifs et portant diverses maturités permettra de :

  • développer l’épargne productive ;
  • dynamiser le marché boursier ;
  • financer l’économie réelle ;
  • alléger l’endettement de l’Etat ;
  • donner aux banques participatives les produits de placement, les quasi-fonds propres et les instruments de liquidité dont elles ont besoin ;
  • constituer des portefeuilles d’actifs pour les assurances Takaful ;
  • animer le marché interbancaire participatif.

La bourse constitue bel et bien la clé du marché de la finance participative au Maroc. Réciproquement, la finance participative est le point de passage obligé pour un véritable essor de la Bourse de Casablanca.

Source : Le Journal de la Finance Islamique

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