Stabilité financière, la finance islamique loin devant la finance conventionnelle

Stabilité de la finance islamique

Adnan Ahmed YOUSIF, Président et CEO d’Al Baraka Banking Group et ancien président de l’Union des Banques Arabes réagit dans un article publié par CNN à la récente décision du FMI d’intégrer enfin officiellement la finance islamique dans son champ d’intervention, position qu’il considère comme une reconnaissance explicite, bien que tardive, de la dimension universelle de cette finance, de sa contribution au développement durable et de son rôle stabilisateur pour le système financier des économies qui l’ont adoptée.

Si la finance islamique ne représente encore qu’une faible part des actifs financiers mondiaux, elle est déjà présente dans plus de 60 pays, avec des actifs qui dépassent 1500 milliards US$, et elle représente une importance systémique pour 14 pays (plus de 15% des actifs bancaires). Le développement rapide de la finance islamique en termes de volume et de complexité, et sa participation désormais significative à la finance globale et au développement économique, rendent nécessaire une plus grande implication des autorités de régulation et des banques centrales dans l’étude et la détermination du rôle de la finance islamique dans la stabilité financière.

Ceci dit, l’intérêt exprimé par le FMI est tardif dans la mesure où les institutions concernées par la finance islamique telles que l’AAOIFI, l’IFSB, le CIBAFI, la BID, en collaboration avec les banques centrales travaillent depuis de nombreuses années à la rationalisation et au renforcement du rôle de la finance islamique dans la stabilité financière des pays où elle est exercée.

De nombreux instruments financiers islamiques ont été développés et constituent aujourd’hui une part des outils de stabilité auxquels ont recours les banques centrales. De même, les banques centrales ont résolu d’appliquer aux banques islamiques l’ensemble des dispositions prudentielles recommandées par le Comité de Bâle, telles que le niveau de capitalisation, l’allocation des crédits, le ratio dettes/capital, le niveau des réserves, le niveau maximal de financement autorisé, le ratio dettes/revenu, le ratio crédits/dépôts, les exigences de liquidité, le niveau d’exposition à un débiteur particulier, etc. Les rapports disponibles confirment l’engagement supérieur des banques islamiques par rapport à leurs homologues conventionnelles vis-à-vis de ces outils.

La stabilité financière au sens large concerne l’ensemble des composantes du système financier (banques, compagnies d’assurance, fonds d’investissement, etc.), marchés de capitaux, infrastructures financières, politiques légales ou règlementaires et autres. En ce qui concerne l’interaction des banques islamiques avec ces composantes, il y a lieu de relever tout d’abord que le système bancaire islamique jouit d’une plus grande stabilité parce qu’elle repose sur un ensemble de normes telles que l’implication des épargnants, des investisseurs et des actionnaires dans le partage des risques, l’interdiction du commerce des produits dérivés, la corrélation des flux financiers aux flux de marchandises et de services dans la sphère de l’économie réelle ce qui engendre une croissance harmonieuse de l’offre et de la demande, l’interdiction de la vente à découvert, l’interdiction des contrats impliquant le Riba ou comportant un risque excessif dû à l’incertitude (Gharar) ce qui met les marchés financiers à l’abri de risques et spéculations absurdes.

Deuxièmement, les produits financiers islamiques conjuguent la conformité Chariatique à l’efficacité économique pour être en mesure de répondre aux besoins économiques réels des gens et des institutions, loin de la spéculation virtuelle qui engendre l’instabilité. Les produits bancaires islamiques comprennent plusieurs types de financements participatifs dont la Moucharaka et la Moudaraba, des financements commerciaux comme la Mourabaha et le Salam, le financement locatif sous diverses formes telles que l’Istisnaâ et l’Ijara, etc.

Troisièmement, les opérations de financement et d’investissement effectuées par les institutions financières islamiques sont soumises à un ensemble de normes Chariatiques susceptibles de les rendre mieux adaptées et plus efficaces en matière de stabilité financière et de responsabilité sociale, ainsi qu’au niveau de la sécurité financière et économique.

Quoiqu’il en soit, nous savons que l’étude de la nature et de la structuration des produits islamiques de financement et d’investissement et de leur impact positif ou négatif sur la stabilité financière est une question ardue qu’il ne s’agit pas de traiter dans cet article et qui nécessite effectivement un effort accru de recherche, d’analyse et d’encadrement pour parvenir à des politiques et des cadres réglementaires qui contribuent à conforter le rôle de la finance islamique dans la stabilité financière. Il ne fait aucun doute à cet égard que le rôle du FMI sera efficient et complémentaire des rôles des institutions financières islamiques spécialisées et des banques centrales.

Sur le même sujet : Le FMI s’engage pour le système bancaire islamique

Source : Le Journal de la Finance Islamique

© RIBH. Reproduction de l’article autorisée sous réserve de conserver les liens et la signature ci-dessus.

2 commentaires

  1. Et si la finance islamique nous aidait à remettre « notre » finance à sa place?

    La crise de 2008 a mis en évidence les dérives de banques à la recherche de profits générés par l’argent et non plus par leurs activités traditionnelles, l’emprunt et le prêt. Les banques islamiques n’ont pas été touchées par cette crise et c’est une des raisons qui explique l’intérêt grandissant pour cette autre manière de pratiquer le métier de banquier.

    Auprès des professionnels, la finance islamique a bonne presse et elle a des choses à nous apprendre. L’avis de Bernard Paranque, professeur à la Kedge Business School, titulaire de la chaire Finance autrement : « Ce qui nous intéresse dans la finance islamique, c’est de voir comme une finance peut être encastrée dans le social, c’est-à-dire dans des principes éthiques. Alors il se trouve qu’il s’agit de principes religieux. Ce qui nous motive, c’est de dire oui il y a un cadre éthique religieux mais ne serait-il pas possible d’imaginer un cadre éthique laïc qui permettre dans notre monde occidental de réencastrer, de remettre sa finance à sa place avec des objectifs sous contraintes sociales, culturelles et économiques ».

    Bernard Paranque remonte aux fondements de la chrétienté occidentale pour trouver des similitudes : « Il suffit de lire dans les textes des pères de l’Eglise que ce soit saint Augustin, Thomas d’Aquin ou Pierre de Jean Olivi. Ce dernier a écrit en 1293-1295 le « Traité des contrats’. Il nous dit qu’un contrat entre des personnes doit viser le bien-être collectif. C’est dans notre culture, puisque nous partageons avec l’Islam l’ancien testament, et je ne vois pas pourquoi nous ne serions pas capables de converser et de travailler ensemble sur ces valeurs communes avec la même ambition d’œuvrer pour le bien-être collectif ».

    Autrement dit travailler à partir de racines partagées qui pourraient être à la source de partenariats pour demain. Dans le respect des diversités ou plus justement des complémentarités.

    Source : Michel Visart, RTBF 28 février 2017

    https://www.rtbf.be/info/economie/detail_et-si-la-finance-islamique-nous-aidait-a-remettre-notre-finance-a-sa-place?id=9542063

  2. La finance islamique est la solution. Ils finiront par le comprendre.

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