Appel pour un développement de la recherche sur la finance islamique

La critique de l’économie islamique dans ses modalités concrètes contemporaines (financière et bancaire) est une tâche nécessaire. Mais elle doit s’accompagner d’un travail d’appropriation préalable que la communauté scientifique française n’a pas encore mené à bien ; à l’heure où la finance islamique devient, en France, une réalité institutionnelle, on peut défendre l’idée que ce manque d’accompagnement ne peut que renforcer les éléments mêmes qui motivent sa critique. En ce sens, il me semble que cette critique, si elle ne veut pas devenir contre-productive, doit s’accompagner d’une invitation lancée à la communauté des chercheurs, musulmans ou non. Les conditions de cette recherche paraissent aujourd’hui plus que réunies…

Disons-le clairement : du point de vue de l’idéologie, c’est-à-dire du discours – qu’il soit théorique, politique, médiatique ou autre – que les membres du champ économique tiennent sur leurs propres méthodes et pratiques, la neutralité éthique s’apparente aujourd’hui davantage à un épouvantail qu’à un principe dominant. L’heure est aux chartes écologiques, aux agences de notation éthiques, à l’investissement socialement responsable, aux partenariats ONG-entreprises, au commerce équitable et à l’agriculture biologique…

Il n’existe sans doute aucun courant économique ayant donné lieu à des centaines d’institutions financières et à un marché d’environ 400 milliards de dollars, doté d’une croissance annuelle d’environ 10 %, auquel ne soit consacré au moins un ouvrage de vulgarisation dans une édition à fort tirage. Seule exception (française) à la règle : l’économie islamique. Alors que dans le monde anglo-saxon les notions d’« islamic banking » et d’« islamic finance » font partie intégrante du champ d’investigation des publications universitaires, et que le premier diplôme mondial de Finance islamique (le « Islamic Finance Qualification » a été lancé à Londres en octobre 2006, à l’initiative notamment de l’Institut de la Bourse Britannique (SSI) ; alors qu’apparaissent les premières sociétés françaises spécialisées dans le conseil pour l’investissement financier et immobilier selon des normes conformes à l’éthique islamique (Isla-Invest Consulting, créée en 2004), et que des institutions bancaires nationales comme BNP-Paribas ont depuis plusieurs années ouvert des « fenêtres islamiques », suivant ainsi la voie de leurs consœurs internationales telles que Citibank, HSBC, Deutsche Bank ou l’Union des Banques Suisses ; alors que la finance islamique apparaît de plus en plus comme un élément stratégique pour la capture des capitaux d’Asie du Sud-Est, justifiant la récente décision des autorités japonaises d’entrer sur ce marché ; alors que le marché français de l’économie islamique, pouvant s’appuyer sur un marché potentiel de 5 millions de musulmans, apparaît encore nettement « sous-exploité » de l’avis même du porte-parole de l’Islamic Bank of Britain (première banque islamique d’Europe, créée en 2004) ; bref, alors que toutes les conditions semblent réunies pour que la recherche universitaire s’oriente vigoureusement vers l’étude des propriétés et des potentialités de cette nouvelle « créature » économique, l’économie islamique reste autant absente des programmes de recherche que des rayons des bibliothèques. L’absence d’investigation académique n’ayant jamais empêché la création d’un marché lorsque ses conditions financières et commerciales sont réunies, il semble qu’il faille se résoudre à ce que, dans le domaine de l’économie islamique, la chouette de Minerve ne se décide, une fois de plus, à prendre son envol qu’à la tombée de la nuit.

Et pourtant, l’économie islamique ne réunit pas seulement les conditions économiques justifiant son investigation. Elle représente également un champ théorique d’une richesse indubitable pour le champ des sciences humaines du fait de son caractère multidimensionnel : historique, dans la mesure où, si la finance islamique est en tant que telle une élaboration récente, l’économie islamique est (évidemment) une réalité théorique et institutionnelle aussi ancienne que l’islam lui-même ; anthropologique et sociologique, comme tout domaine portant sur un « fait social total » tel que le champ religieux ; politique, puisque la naissance même de la finance islamique est indissociable des enjeux géostratégiques contemporains ; microéconomique, du fait des analyses effectuées par les penseurs musulmans concernant – par exemple – les structures de marché ou les mécanismes du crédit ; macroéconomiques, au travers des tentatives menées par les penseurs du XX° siècle visant à justifier son statut de « troisième modèle », ni capitaliste, ni socialiste ; philosophique enfin, dans la mesure où elle se fonde sur une réflexion portant sur la nature même de l’agir humain, sur son espace et sa finalité, et sur l’articulation de cet agir avec les normes de justice et d’équité. De façon globale, l’économie islamique pose simultanément la question de trois articulations fondamentales : celles du fait et de la valeur (notamment au travers de la question de l’interprétation et de l’application des normes), celle de la théorie et de la pratique, et celle des domaines macro- et microéconomiques.

Extraits d’un commentaire publié le 2/8/2007 par « Ochiali » sur le site TariqRamadan.com

2 commentaires

  1. Assalamou 3alaykoum,

    « Les avis jurisprudentiels concernant l’assurance sont nombreux et partagés.

    On peut les résumer en trois avis essentiels :
    – Le premier avis affirme que le contrat d’assurance (commercial) classique, pratiqué par les compagnies d’assurances est admissible et licite ;
    – Le deuxième avis, se situe à l’opposé du premier et voit tout à fait le contraire, c’est-à-dire que le contrat d’assurance classique est non conforme à la Loi (à la Charia).
    – Le troisième avis rejoint le second en affirmant la non conformité du contrat d’assurance classique avec la Loi et donne le substitut légal : une assurance basée sur une assistance mutuelle, préservant la sécurité sociale en conformité avec la charia dont les principes reposent sur le partage équitable des risques et des bénéfices. »
    Source : https://ribh.wordpress.com/files/2007/12/assurance-islam-par-barkat-mohamed-el-amine.doc

    Il est donc clair qu’il y a une grande latitude d’interprétation entre ces avis.

    « Si l’on se réfère à l’interprétation wahabite, le contrat d’assurance vie, comme tous les autres contrats d’assurance, renferme aussi bien de la « djahâlah » (flou important au niveau du contrat), du « gharar » (gain lié à un évènement aléatoire) que du « ribâ »; et ces trois éléments sont autant de facteurs d’invalidations et de nullité de contrats commerciaux en Islam:

    – Pour ce qui est du « flou », il est présent notamment au niveau de la période de souscription et donc du montant total qui sera réellement versé en guise de souscription (et ce, même si une date est fixée dans le contrat): Personne ne sait combien de temps il lui reste à vivre…

    – Pour ce qui est du « gharar », il se manifeste notamment à travers le fait que le versement par la compagnie d’assurance d’un capital défini est lié à un évènement dont on ne connait pas s’il se réalisera ou non (le décès ou le fait d’être encore en vie à une date donnée)…

    – Pour ce qui est du « ribâ », il résulte de la différence entre le montant des souscriptions versées et celui du capital reçu par la suite de la part de la compagnie d’assurances.

    C’est entre autres pour ces raisons que les contrats d’assurance vie ne sont en principes pas licites en Islam. »

    Par contre il semblerait que les écoles hanafites et malékites légitiment les contrats d’assurance sous certaines conditions.

    « En Arabie saoudite, depuis qu’une plaque de cuivre a été apposée, en 2002, dans son hall pour attester de sa compatibilité avec la charia, la banque Al-Jazira, à Djeddah, a doublé ses profits chaque année. Dans le domaine du courtage d’actions, Al-Jazira a raflé la place de numéro un, en mettant en place un système d’achat à crédit, l’équivalent du système de l’appel de marge. Dans le domaine de l’assurance-vie, le takaful, a priori considéré par l’islam comme un pari contre la volonté de Dieu et donc comme un manque de foi, le contrat d’Al-Jazira a été validé par le conseil islamique de la banque, grâce à des primes d’assurances mutualisées et non plus individualisées. Depuis, des milliers d’entreprises saoudiennes ont souscrit à cette assurance-vie.
    Source : https://ribh.wordpress.com/2005/11/06/quand-la-charia-tient-les-comptes

    Cordialement.

  2. Bonjour,

    Je suis chargée d’études actuarielles au sein des AGF filiale du groupe Allianz, première compagnie d’assurance européenne. Ce statut confère à Allianz une grande notoriété sur des sujets d’actualité pour lesquels le groupe est pris en exemple comme la MCEV (Market Consistent Embedded Value), les Normes IFRS (Normes comptables internationales) et en particulier en Assurance Vie.

    Ayant un DESS Méthodes Statistiques et Numériques de l’université de Marne-la-Vallée (promotion 2001), je me suis dirigée vers l’assurance Vie où la complexité des divers sujets m’a très vite passionnée. Au bout de 3 ans d’expérience j’ai voulu développer mes connaissances en actuariat en suivant les cours du soir au CNAM.

    Dans le cadre du Master de finance option actuariat du CNAM j’ai l’opportunité de présenter un mémoire auprès de l’Institut des Actuaires afin d’obtenir le titre d’Actuaire, pour cela je cherche un sujet de mémoire. Différents sujets me sont proposés aujourd’hui au sein de ma direction toutefois j’ai pris le temps de m’intéresser aux produits financiers islamiques proposés auprès des grandes banques anglaises et j’aimerais contribuer à l’élargissement de ces produits dans le domaine de l’assurance Vie où ils ne sont pas encore proposés à ma connaissance.

    Pour accomplir mon projet j’ai besoin des conseils dans la conception des fonds et des garanties respectant la charia islamique.

    Je vous remercie par avance de l’aide que vius pourrez m’apporter.

    Cordialement,
    Loubna

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