Le procès où est cité l’hebdomadaire Charlie Hebdo, pour avoir repris les caricatures antimusulmanes « made in Denmark », est l’occasion d’une nouvelle campagne raciste entretenue par les médias et les candidats à l’élection présidentielle. Pour eux, c’est un procès inadmissible, inutile ou scandaleux.
Amusant, comme réactions. Rappelons que les représentants éminents de cette caste, starlettes, animateurs de l’audiovisuel, politiciens, princes et princesses de pacotille sont les premiers, à tour de rôle, à faire des procès quasiment toutes les semaines à l’hebdomadaire Voici, ou à d’autres, pour « défendre leur honneur, leur vie privée ou leur droit à l’image ». Autrement dit, la « protection de la liberté d’expression » ne s’applique pas à eux, lorsqu’ils sont photographiés ou s’estiment diffamés ou caricaturés. Par contre, dans leur mentalité, la communauté musulmane a vocation à se taire. Toujours, les « valeurs » à géométrie variable…
Je trouve ce procès, pour ma part, très jouissif. D’abord, il n’y pas de raison que l’incitation à la haine religieuse, qui est un délit, ne soit pas sanctionnée. Ensuite, ce coup de pied, dans la termitière raciste, a permis de s’amuser à la vue du défilé des représentants de la caste politique, drapés dans la toge des « défenseurs de la liberté d’expression ». Hilarant. En fait, sous des sigles différents, ces bateleurs d’estrade vendent les mêmes savonnettes. Leurs « valeurs », sous couvert de belles idées, sont les mêmes…
Ce déchaînement raciste et islamophobe n’est pas nouveau. Il s’agit d’une même propagande reprise, à intervalles réguliers, sous différentes formes. De plus, cette pathologie sociale touche l’ensemble des pays occidentaux. L’Europe, tout particulièrement. Cela s’est même intensifié ces dernières années dans certains pays, notamment la Hollande, le Danemark et la Grande Bretagne. Ce sont les pays européens les plus envahis, actuellement, avec la France, par les métastases de ce cancer politique.
En Grande Bretagne, je constate les mêmes « plans médias » qu’en France, en Hollande ou au Danemark : campagnes médiatiques récurrentes sur l’inadaptation des musulmans aux « valeurs » de la société britannique et à la modernité, sort « dramatique » des femmes musulmanes entravées dans leur volonté de s’intégrer par les maris ou les frères, etc. Bref, on retrouve tous les clichés islamophobes. J’ai même regardé une émission TV britannique sur ce thème où ont été appelés en tant que « témoins » des racistes danois, hollandais, allemands. Et, étrange apparition, dans cette même émission une journaliste française se présentant comme « féministe » (1), bien connue pour ses positions islamophobes prétextant la défense de la femme, récitant son texte, en anglais, sur les dangers que vit la société française sous la poussée de la vague islamiste recouvrant la France…
Il est, d’ailleurs, intéressant de noter la simultanéité de ces campagnes, sur des thèmes similaires, dans tous les pays européens. Et, tout spécialement, dans ceux qui ont des troupes en Irak, présence qui rencontre l’hostilité d’une majorité de leur opinion publique : Grande Bretagne, Hollande (2) et Danemark. Sur le même modèle que les campagnes ou plans média des lancements des produits Microsoft ou autres… Visiblement, il y a coordination, de gros, de très gros moyens.
Dans ce mouvement, la caste politique française, assurée de trouver de puissants soutiens financiers et médiatiques, sur le plan international en particulier, se montre profondément raciste et antimusulmane On le sait, elle le déclare et l’assume en toute impunité. On sait, aussi, que cela va s’intensifier, pour trois raisons principales et convergentes :
i) Il faut gouverner par la peur, quand il y a crise économique, tout spécialement. Telle est l’approche de la classe politique : susciter la « peur de l’autre » pour détourner l’attention sur les problèmes de fond, l’injustice sociale et économique, et surtout le vide de leur programme de gouvernement. Tactique vieille comme le monde, toujours payante dans l’esprit des démagogues.
ii) Il faut diaboliser le monde musulman, pour justifier les politiques de destruction, spoliation et prédation au Moyen Orient qui garantissent la fortune des sponsors. Le niveau de violence est tel, que les opinions publiques européennes doivent être anesthésiées en permanence : les « sauvages» qu’on essaie de « civiliser » ne méritent que ce qui leur arrive. Message subliminal et inusable stratagème des démagogues, là encore, sur lesquels toute les entreprises coloniales ont été construites.
iii) Il faut conditionner, dans l’immédiat, l’opinion occidentale pour la préparer au bombardement de l’Iran, et le lui faire accepter, sur le modèle du bombardement du Liban, en juillet dernier, mais à plus grande échelle.
Dire que la société occidentale est malade et ses politiciens démagogues, n’est pas suffisant. Au-delà du simple constat, l’attitude à avoir est celle de la contre-attaque. Au-delà, aussi, de la simple défense de la communauté musulmane. Ce combat est un combat citoyen. Car, une société qui n’assume pas son rapport à « l’altérité », ou de vie en commun avec « l’autre » que soi-même, est une société malade. Comment contre-attaquer ? Plusieurs pistes sont à explorer :
1) Faire respecter la loi : il existe des lois qui interdisent et condamnent l’incitation à la haine religieuse et raciale. En France et en Europe. Elles ne sont pas faites à l’usage exclusif d’une religion ou d’une communauté. La communauté musulmane doit les utiliser à fond. Sur ce point, je ne partage pas l’attitude peureuse de certains, affirmant qu’un procès à l’encontre des diffamateurs serait stupide. Non. Au contraire, il ne faut pas courber la tête sous les intimidations des médias et de la propagande raciste. Il n’y a aucune raison de céder au terrorisme de la haine religieuse entretenu par les politiques et leurs médias. Il faut mettre en lumière l’incapacité de l’Etat à assumer ses responsabilités face à l’incitation à la haine religieuse. Je crois, absolument, aux effets positifs de l’application du droit et à l’exercice de la justice. Les lois sont avec la communauté musulmane, et non pas contre. La loi Gayssot n’est la propriété d’aucune religion. La République, dans sa neutralité laïque, protège toutes les religions.
2) Mettre en place une coordination internationale, et tout particulièrement européenne, pour faire face à ces campagnes islamophobes qui sont lancées à l’échelon européen, parfaitement planifiées et coordonnées. L’union faisant la force ! Or, à ce jour, il n’y a aucune coordination entre les communautés musulmanes anglophones et francophones, par exemple.
La communauté musulmane doit avoir une association sur le modèle de la célèbre organisation, spécialisée dans la traque à l’antisémitisme : « Anti Defamation League » (3). En état de vigilance permanente, elle ne laisse rien passer, directement ou indirectement par des associations relais et autres lobbies. Son directeur, Abraham Foxman est reçu par tous les chefs d’Etat. Il vient même (le 16 octobre 2006) d’être reçu à l’Elysée et décoré de la Légion d’Honneur par Jacques Chirac. Elle ne s’occupe pas des problèmes de culte, ou de théologie, mais uniquement de la traque à l’encontre de ceux qui suscitent et cultivent la haine religieuse antijuive. Cela lui permet de réunir des fonds, en tant qu’association de lutte en faveur de la tolérance (4), et non pas en tant qu’organisation confessionnelle… Suivant cet exemple, les musulmans doivent avoir une organisation non « cultuelle » (5). Avec des spécialistes en communication, en marketing, en stratégie juridique, en statistiques et traitement de l’information. Son rayonnement doit être européen dans sa conception et son action.
3) Organiser des campagnes de sensibilisation, dans les pays musulmans, sur le racisme subi par les communautés musulmanes en Europe : du Maroc jusqu’en Indonésie. Il n’y a pas de raison que ceux qui tiennent des discours islamophobes en Europe soient reçus dans les pays musulmans avec les plus grands égards, et, en plus, avec des contrats d’achat de matériels ou de services en poche. Un exemple : personne ne sait au Qatar, ou dans les Emirats Arabes Unis (6), que Dassault ou Lagardère sont des groupes qui financent des médias islamophobes, parmi les plus virulents en France. Ils ramassent là-bas des contrats mirobolants (7). Autre exemple : quand je vois les honneurs reçus par un Sarkozy, un DSK ou un Hollande au Maroc, ou dans d’autres pays musulmans. Les hypocrites doivent un jour voir des portes fermées devant leur nez, par solidarité. Et, les mêmes contrats, les pays musulmans peuvent en signer, à qualité équivalente (et moins cher), en Chine, en Inde ou au Brésil… C’est aussi au portefeuille qu’il faut toucher les islamophobes et leurs sponsors…
4) Manifester, se montrer, ne pas avoir peur, au contraire. A quand une immense manifestation qui réunirait les musulmans et ceux qui en ont assez de la manipulation des pulsions racistes, à Paris, avec des délégations venant de la France entière par autocars ? Certaines communautés (juives, gays, etc.) en ont fait à répétition, pourquoi pas les musulmans ? Dans le silence et la dignité, avec pour slogans : non, à la haine religieuse ; oui, au respect de la dignité humaine dans son identité, dans ses croyances…
D’autres voies, sont à explorer. Mais, l’essentiel est de réagir vite, de manière organisée, méthodique et déterminée. La dignité humaine et les droits de l’homme ne sont pas à géométrie variable. Ils ne sont pas un instrument de manipulation au seul bénéfice des racistes.
Non. La communauté musulmane n’a pas pour vocation d’être le crachoir permanent des voyous…
(1) En France, cette militante est salariée d’un hebdomadaire et tous les accès aux médias lui sont ouverts, bien évidemment, en permanence…
(2) L’opinion publique a été secouée par un scandale au sujet des tortures et humiliations exercées par des officiers hollandais sur des irakiens. Rapidement étouffé. L’état-major du contingent hollandais a dû être entièrement renouvelé. A remarquer que le tortionnaire le plus violent, sadique et implacable était : une femme, avec rang d’officier supérieur… Une femme « libérée », peut-être ?…
(3) Budget annuel moyen : 50 millions $, avec 29 bureaux aux USA et 3 en dehors des USA. Remarquablement efficace : son action n’est pas limitée aux USA, mais internationale. Et, tous azimuts. Un exemple, parmi des dizaines : elle est arrivée à remettre en cause des téléfilms, prévus pour le Ramadan en Egypte, estimant qu’ils étaient à connotation antisémite… Ou, encore, la publication de livres scolaires.
(4) Exemple : une des plus grandes banques internationales d’affaires et de gestion de fortunes, Morgan Stanley, cite le financement de l’Anti Defamation League dans ses oeuvres caritatives (2005 Charitable Annual Report). Alors qu’elle affirme, dans sa charte, ne financer aucune association confessionnelle. Cette organisation est présentée, en effet, dans la catégorie des associations pour la « lutte contre l’intolérance »…
(5) Ainsi, le CFCM est en charge des problèmes d’organisation du « culte ». Pas autre chose. De plus, en dehors de ses problèmes de légitimité à résoudre (mode d’élection, de désignation, d’indépendance), cet organisme n’a ni les moyens, ni les compétences pour gérer ces actions qui demandent des expertises de haut niveau dans le domaine de la communication, du marketing et du lobbying.
(6) A part la pratique de leur langue, l’arabe, tous les nationaux sont anglophones. Ils ne lisent donc pas la presse francophone, encore moins Charlie Hebdo…
(7) Armes, aéronautique et audiovisuel, notamment.
Georges Stanechy – publié le 11/02/007 dans : La Dignité Humaine