Un rapport du Sénat français sur le boom des fonds islamiques

La commission des finances, présidée par M. Jean Arthuis, a présenté le 17 octobre 2007 devant le Sénat français un rapport qui détaille le phénomène de finance islamique. Ce rapport constate qu’il s’agit d’un marché à très fort potentiel de développement, en croissance de 15 % par an vis-à-vis duquel la City dispose déjà de plusieurs années d’expérience… et de plusieurs longueurs d’avance. Dans le rapport du Sénat, on peut lire sur le sujet des fonds islamiques les développements suivants :

1. Conformer la finance aux principes de l’Islam

L’ensemble des règles de conduite régissant la vie privée et publique des musulmans est codifié par la Charia, ou loi islamique.

Afin de rendre compatible la finance avec l’éthique musulmane, « la finance islamique » a vu le jour dans les années 1970. Celle-ci se définit donc comme un ensemble de produits financiers conformes à la Charia.

Ainsi, ne peuvent pas être investis dans des opérations associées à l’alcool, au tabac, à la pornographie et aux paris.

Tous les produits financiers islamiques doivent être approuvés par des oulémas, spécialistes de la Charia, habilités à se prononcer sur la conformité d’un produit financier avec la loi islamique. Ainsi cette dernière réprouve la « riba » (l’usure) à savoir le fait de « rémunérer l’argent » lui-même (versets 275 et 276 de la 2ème sourate du Coran [1]). Le mécanisme juridique consiste donc à trouver un « bien réel intermédiaire », actif non monétaire, qui constitue le véhicule porteur des produits financiers islamiques. Pour l’achat d’un bien immobilier, c’est la banque qui achète le bien et le loue à son client (ijara ou crédit bail) et/ou le lui revend en différé (murabaha).

Cette technique est éprouvée et n’engendre qu’un faible coût supplémentaire d’intermédiation, qui ne semble pas constituer un frein, surtout au regard de l’importance du marché ouvert aux établissements financiers devenus « charia compliants », marché sur lequel les banques anglo-saxonnes sont particulièrement présentes et qu’il convient donc de ne pas délaisser.

2. Un marché en plein essor.

Les données chiffrées concernant la finance islamique restent très partielles et sont donc sujettes à caution. Les actifs gérés par les banques islamiques, à ce jour, seraient limités à 265 milliards de dollars. La DGTPE les estime à 500 milliards de dollars, soit dix fois plus qu’il y a vingt ans. Les investissements financiers sont évalués à plus de 350 milliards de dollars par Standard & Poor’s (dont 300 milliards de dollars au Moyen-Orient). Le stock d’obligations islamiques (sukuks) a atteint 47 milliards de dollars en 2006. Ce montant a été multiplié par 6 en quatre ans selon le FMI, même s’il reste encore faible au regard des 4.700 milliards de dollars d’émissions obligataires d’entreprises dans le monde. Le DIFC estime, quant à lui, qu’ils ont atteint 70 milliards de dollars.

En revanche, il s’agit d’un marché à très fort potentiel de développement, en croissance de 15 % par an. La recherche statistique sur la finance islamique est néanmoins peu développée et il est, là encore, difficile de vérifier ces chiffres.

Ce marché est très suivi par les grandes banques internationales (au premier rang desquelles HSBC, Deutsche Bank, Citigroup) qui ont bien perçu le potentiel que représente une population musulmane en forte croissance (1,5 milliard de personnes aujourd’hui, 2,5 milliards de personnes en 2020), notamment en Asie.

Il y a là, à l’évidence, matière à réflexion, pour les acteurs européens continentaux et notamment français, la City disposant déjà de plusieurs années d’expérience. En effet, depuis 2004, le Royaume Uni est le seul pays occidental dans lequel la finance islamique est significativement implantée, le gouvernement ayant modifié sa législation [2] afin de développer ce secteur et de faire de Londres « le portail occidental et le centre mondial de la finance islamique » [3]. L’Institut de la bourse britannique, en partenariat avec l’Ecole supérieure des affaires libanaise, a créé en octobre 2006 le premier diplôme mondial de finance islamique, l’ « Islamic Finance Qualification ». Une qualification attractive dans la mesure où les professionnels de la finance islamique sont de plus en plus recherchés. Comme votre délégation a pu le constater, le Crédit Agricole et BNP Paribas disposent déjà de départements spécialisés dans leurs établissements du Golfe (à Bahreïn), tandis que la filiale de la Société générale SGAM AI a annoncé, en juillet 2007, le lancement de produits financiers conformes à la Charia.

[1] « Ceux qui se nourrissent de l’usure ne se dresseront au Jugement dernier, que comme se dresse celui que le Démon a violemment frappé. Il en sera ainsi, parce qu’ils disent : « La vente est semblable à l’usure ». Mais Dieu a permis la vente et il a interdit l’usure. Celui qui renonce au profit de l’usure, dès qu’une exhortation de son Seigneur lui parvient, gardera ce qu’il a gagné. Son cas relève de Dieu. Mais ceux qui retournent à l’usure seront les hôtes du Feu où ils demeureront immortels. Dieu anéantira les profits de l’usure et il fera fructifier l’aumône. Il n’aime pas l’incrédule, le pécheur. »

[2] Suppression du double droit de timbre des prêts immobiliers, la banque islamique achetant le bien puis le revendant au client à échéance du prêt.

[3] Déclaration de M. Gordon Brown, alors Chancelier de l’échiquier, le 13 juin 2006.

Source : L’Observatoire des religions, 8 novembre 2007

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