Finance islamique : quel modèle économique pour l’assurance Takaful au Maroc ?

Takaful au Maroc

Article mis à jour le 4 octobre 2016

La loi n° 59-13 modifiant et complétant la loi n° 17-99 portant Code des assurances et instaurant les assurances Takaful au Maroc a été définitivement adoptée par le parlement, sans amendements significatifs, et vient d’être publiée au bulletin officiel n°6501 du 19 Septembre 2016.

La loi 59-13 n’a pas fixé, d’une manière explicite, le modèle économique qui sera adopté. Toutefois, l’article 248-1 précise que « l’administration peut, sur proposition de l’Autorité et après avis conforme du Conseil supérieur des Ouléma, fixer les modes de rémunération de l’entreprise d’assurances et de réassurance au titre de la gestion du compte d’assurance Takaful ainsi que les critères de détermination de cette rémunération ».

L’ACAPS, Autorité de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance Sociale, peut donc, si elle le juge nécessaire, surtout au démarrage de cette activité, favoriser et imposer un modèle économique aux opérateurs Takaful et Re-Takaful.

L’article 10-3, traitant de l’excédent technique, précise quant à lui qu’en assurance Takaful, «les excédents techniques et financiers réalisés sont répartis entièrement entre les participants après déduction, le cas échéant, des avances Takaful ». A première lecture de cet article, le modèle économique qui se dégage est celui de la « Wakala ».

Un modèle économique perfectible

Ce modèle consiste à rémunérer l’opérateur Takaful sur sa gestion du fonds Takaful, uniquement par des commissions déduites, à la source, des contributions (primes). Ces commissions viennent charger le produit du fond Takaful. Les résultats technique et financier sont répartis exclusivement entre les participants.

Il s’agit du plus rigide et du plus contraignant des modèles économiques Takaful. Restreindre la rémunération de l’opérateur aux commissions up-front fera que ces dernières seront beaucoup plus élevées par rapport à l’Assurance conventionnelles car dans cette dernière la rémunération principale de la compagnie d’assurance est plutôt l’excédent technique. Les primes des produits Takaful seront donc sans doute beaucoup plus importantes que celles des produits conventionnels, ce qui constitue un handicap concurrentiel majeur dans un environnement hybride (Conventionnel – Charia compliant) et dans un marché de prix comme le marché marocain.

Aussi, ne pas intéresser l’opérateur sur les excédents n’encourage pas ce dernier à optimiser sa gestion technique (Acceptation des risques, indemnisation des sinistrés, réassurance, …) et financière (Placements) des fonds. Le risque est que l’opérateur Takaful néglige cet aspect important de sa mission (Optimisation) et se contente de la gestion administrative.

Le modèle le plus approprié à notre contexte, surtout au démarrage, est le modèle « Wakala modifié », où l’opérateur est rémunéré par des commissions up-front mais aussi par une partie de l’excédent technique. Ce modèle est celui appliqué en Arabie Saoudite et en Malaisie qui s’accaparent respectivement 50% et 25% du marché mondial du Takaful.

Sur le volet chariatique, l’intéressement de l’opérateur sur l’excédent technique peut être justifié et encadré de 2 façons :

  • Considérer cet intéressement comme une « Jou’ala » : Dans « Fikh Al Mou’amalat », la jurisprudence islamique des affaires, cette notion consiste à intéresser un « Ajir », prestataire, en liant une partie de sa rémunération à la qualité du travail accomplit. C’est une sorte de commission de performance. On peut donc fixer un seuil de l’excédent technique, au-delà duquel, l’opérateur percevra une partie de celui-ci comme prime de performance.
  • Considérer la contribution du participant entièrement ou partiellement comme un « Tabar’u » ou « Don » au fond Takaful : Dans ce cas la partie de la prime considérée comme un don et ses revenus technique et financier ne lui appartiennent plus et peuvent donc être répartis, selon une clé de partage définie dans le contrat Takaful, entre l’opérateur et la communauté des participants.La part qui revient aux participants ou une partie d’elle, comme il s’agit là d’un don, peut leur être distribuée comme revenus comme elle peut être utilisée pour baisser les primes des années futures ou encore pour des œuvres de charité.

Les futurs opérateurs Takaful ont donc tout intêret à défendre cette thèse auprès du régulateur, qui peut, dans le cadre de l’élaboration des circulaires d’application de cette nouvelle loi, intégrer ce principe d’intéressement dans la rémunération de l’opérateur, surtout au niveau de la circulaire qui sera consacrée au calcul de l’excédent technique.

Par Mohamed Bellali, Praticien en Finance Islamique et Assurances Takaful

ACAPS

A propos de l’ACAPS

L’Autorité de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance Sociale – ACAPS est une autorité de régulation indépendante pour le marché marocain des assurances créée par la loi n° 64-12. L’ACAPS est un établissement public qui remplace l’ancienne Direction des assurances et de la prévoyance sociale (DAPS) du ministère des finances.

L’ACAPS contrôle l’activité des institutions qui exercent ou gèrent des opérations d’assurance ou de réassurance régies par le Code des Assurances, ainsi que les opérations de retraite, par répartition ou par capitalisation, l’assurance maladie obligatoire et les mutuelles.

L’ACAPS dispose de plusieurs commissions, dont celle de la régulation, qui est paritaire et qui remplace le comité consultatif des assurances. Elle donne un avis consultatif au président de l’autorité sur les textes réglementaires et les questions qui retiennent l’intérêt du président de l’Autorité. La commission de régulation est présidée par le secrétaire général de l’Autorité et non par le président de cette dernière, le rôle de la commission étant de donner un avis au président.

A ce titre, l’ACAPS est investie de la mise en oeuvre du dispositif légal relatif à l’assurance Takaful au Maroc.

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Source : Le Journal de la Finance Islamique

2 commentaires

  1. Il n’ y a pas de modèle parfait. L’inconvénient d’une Wakala pure, c’est qu’elle est source de déficits cumulés et qui finissent un jour par rogner les actifs de la Compagnie et donc de la pousser à la recapitalisation, voire à la faillite. La Wakaka a été utilisée de manière abusive dans les pays du Golfe et on voit le résultat actuellement. La combinaison Wakala – Moudaraba est séduisante à priori, encore faut-il générer des surplus.

    Il y a un modèle qui est inconnu ou négligé, c’est le Waqf. Je suggère aux actionnaires de consacrer au démarrage un montant de 20% au Waqf ; une fois que le fonds des sociétaires commence à dégager des résultats après 3, 5 ou 7 ans, les actionnaires seront remboursés, après constitution des réserves nécessaires au renforcement de la marge de solvabilité du fonds des sociétaires.

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