Par Anass PATEL, Président-Fondateur Groupe 570
A quoi ressemblera la Mourabaha 2015 ? Et bien tout simplement, il faut l’envisager en mode réseau ouvert sur une plateforme internet, de mise en relation entre clients et acteurs, entre acheteurs de biens immobiliers et financiers.
Le 18 décembre 2014 a été signé le premier contrat Murabaha bancaire pour un particulier qui achetait sa résidence principale sur une durée de 15 ans. Le client habite en dehors de la région parisienne, mais c’est à Paris que s’est finalisée l’opération de revente du bien préalablement acheté par la banque, par un crédit-vendeur respectant les conditions de l’instruction fiscale en vigueur depuis sa mise en place par Christine Lagarde en 2010.
L’histoire de ce dossier a commencé très exactement le 8 janvier 2014. Oui, il a en effet fallu une année complète pour réaliser cette opération pourtant simple de financement immobilier mais qui se voulait conforme à l’éthique musulmane. Si les points sensibles sont nombreux pour cette approche encore nouvelle en France, les secrets de cette réussite tiennent à la patience, à la pédagogie et à la détermination des différents acteurs, aussi bien client que banque partenaire.
Dans un monde « normal », quand un courtier possède un bon dossier client pour un crédit logement, il a l’embarras du choix en faisant jouer la concurrence entre les banques, qui vont d’un côté assouplir le montant de l’apport et de l’autre promettre de réaliser l’opération en à peine quelques semaines. Mais pour celles et ceux qui font le choix de respecter les contraintes d’un financement éthique, il faut redoubler d’effort et de détermination. Et on ne peut qu’être admiratif devant le calme et la sagesse qui ont dictés le comportement du client, qui maintenant est un heureux propriétaire, en famille qui s’agrandit avec l’arrivée d’un troisième enfant.
Un an pour un crédit immobilier ! Cela paraît bien long, pourtant c’était le prix à payer pour être en conformité avec son éthique. Mais dans cette France du numérique qui évolue à grande vitesse, avec les banques qui se battent pour acquérir de nouveaux clients, souvent même en proposant des services totalement en ligne et automatisés avec des réponses en 24 heures, comment envisager le futur de la Murabaha ?
D’abord comment expliquer ce retard ? Est-ce propre à la France ? A son modèle bancaire ? Aux résistances culturelles ? Un peu de tout cela certainement, mais le plus important est de comprendre ce qui s’y joue. Et comment le basculement vers un nouvel équilibre de l’offre et de la demande est en train de s’opérer à une vitesse qui dépasse les modèles conventionnels, face au pouvoir du client maître de ses choix et de ses principes dans une époque qui bénéficie de la transformation numérique.
Cette histoire d’un financement immobilier qui prend 12 mois au lieu de 3 en moyenne n’est en réalité que le reflet d’une masse de français qui souhaite devenir propriétaire en toute confiance, c’est-à-dire en toute légalité et sérénité. En somme, ces clients souhaitent tout simplement se conformer, à la fois à la réglementation française (en matière bancaire et notamment de protection du consommateur) et à leurs convictions personnelles (la foi et la raison). Peut-on leur reprocher cette démarche qui en pratique impliquerait que la banque ne se rémunère pas sur un prêt d’argent oisif (crédit à intérêt) mais sur une transaction économique, dans ce cadre le fait de posséder la maison avant de la vendre par le biais d’un crédit-vendeur ? Si la différence n’est pas de nature financière (c’est le même coût pour le client) elle l’est tout au moins du point de vue de la responsabilité de la banque, qui doit s’intéresser davantage à l’actif sous-jacent en relation avec le projet du client, ici le bien immobilier ; mais cela pourrait être également le projet d’un entrepreneur et du financement de ses machines, ou de son fonds de commerce, son développement, etc.
L’éthique, ce désir de sens et de faire bien, est ce qui guiderait le nouveau consommateur, enfant de la crise de 2008. Et cela est vrai dans tous les domaines : alimentaires, économiques, socio-éducatifs, etc. Si l’éthique semble être le vecteur du dynamisme du côté de la demande, elle ne semble pourtant pas suffire pour bousculer l’offre, pour la transformer en profondeur et non l’adapter de façon cosmétique pour la rendre bio, verte, halal ou light, en quelques mots des produits packagés et sans âme. Il manque une autre dimension, une dose d’innovation dans la relation entre producteurs et consommateurs. Et cette transformation que permet d’ancrer le numérique en mettant le consommateur dans une position de producteur est déjà en marche.
Si pendant longtemps les sphères institutionnelles et les corporations ont joué un rôle prescriptif central, des communautés de consommateurs, qui échangent et partagent leurs avis et commentaires, contribuent de plus en plus à la définition d’une nouvelle offre animée par l’attachement du consommateur à ses valeurs.
Concrètement, c’est un client impliqué, soucieux du respect de la vérité et de la transparence, que le digital permet de mettre en valeur, et ce grâce aux nouvelles opportunités offertes par internet et les réseaux sociaux. Quelle est la place d’une offre uniquement définie par les institutionnels à l’heure où toutes les informations sont accessibles en ligne, où les discussions se font en temps réel et les tops et les flops suivis à la trace grâce au « tweet, like et share » ?
Le consommateur du 21e siècle, qu’il soit noir ou blanc, qu’il mange bio ou marine, qu’il s’appelle Jean, David ou Rachid, n’a plus le temps de s’attarder sur le pourquoi des blocages de l’offre. Il est dans une démarche de co-construction des éléments d’une offre en réponse à ses besoins et à ses attentes tant en termes de qualité que de service. Et tant pis pour les acteurs de l’offre, notamment les banques, qui n’auront pas compris ces signaux, et attention à celles qui s’aventurent à faire des promesses gratuites sans les tenir, leur réputation en ligne leur échappera très rapidement.
Alors à quoi ressemblera la Mourabaha 2015 ? Et bien tout simplement, il faut l’envisager en mode réseau ouvert sur une plateforme internet, de mise en relation entre clients et acteurs, entre acheteurs de biens immobiliers et financiers. Si certains pensent que ces modèles émergents de place de marché sont des rêves pieux, il suffit de regarder ce qui se passe dans le monde de l’économie collaborative (blablacar, airbnb…) ou de la finance participative encore appelée crowdfunding (ulule, kisskiss, babyloan…). Plus particulièrement dans le monde du financement bancaire, les nouvelles formes de distribution deviennent les plus dynamiques comme Boursorama (plus de 500 000 clients qui font du crédit immobilier entièrement en ligne), ou le compte nickel (qui va vers les 100 000 clients en ouvrant un compte bancaire chez les buralistes en 5 minutes) et encore plus éloquent est ce qui se passe dans la recherche d’un bien immobilier et de son financement qui se réalise désormais à 80% sur internet. Les clients recherchent un bien sur leboncoin ou seloger et peuvent immédiatement faire leur demande de financement en ligne.
Au-delà des nombreux sites de courtier en ligne, c’est le Crédit Agricole qui a tout compris de cette stratégie avec le beau succès de sa filiale e-immo, dédiée au financement direct en ligne : selon le magazine Challenges, c’est 350 000 demandes de crédit pour 2,5 milliards de production réalisée en an tout en gardant ce qui fait le cœur d’une grande banque de réseau, la relation de proximité. En effet, 90% de ceux qui ont souscrit leur crédit via e-immo ont signé leur contrat dans une agence de proximité, et seulement 10 % l’ont finalisé à distance.
On ne peut donc qu’anticiper et souhaiter que le client qui désirera obtenir une Mourabaha à l’avenir commencera sa demande sur une plateforme internet multi-cartes, qui fait jouer la concurrence entre plusieurs banques, et se terminera dans une agence proche de chez lui. Le client sera ainsi au cœur de la construction d’une offre multi-acteurs conforme à ses valeurs et non le spectateur de réflexions institutionnelles sur la nécessité de la naissance d’une offre. Tout l’enjeu est de savoir si cette agence s’appellera « banque française existante », ou « banque nouvel entrant ». Et pourquoi pas provoquer l’émergence d’un réseau 570easi, plus simple non ?
Concrètement, comment fonctionne le prêt Murabaha 570 easi ?