L’absence de cadre réglementaire spécifique au Takaful risque de retarder la création de banques islamiques au Maroc.
Quand une banque finance un projet ou une acquisition elle exige du bénéficiaire du financement de souscrire une assurance, pour se protéger contre les risques encourus par les biens financés (assurance automobile, assurance habitation, assurance transport etc.) et par les personnes bénéficiaires du financement (assurance maladie, assurance décès, etc.).
Or, la Charia islamique interdit l’utilisation des contrats d’assurance proposés par les compagnies d’assurance commerciales car ces contrats sont illicites (Haram). Pour sécuriser les financements qu’elle accorde, une banque islamique ne peut recourir qu’à une assurance islamique ou Takaful. En l’absence de produits d’assurance islamique, les clients qui recherchent un financement vraiment halal auront tendance à refuser la solution de financement et boycotterons l’institution financière. La création de banques islamiques sur des bases saines nécessite donc de disposer de solutions d’assurance Halal (Takaful).
Au Maroc, le Parti de la Justice et du Développement (PJD) qui dirige la coalition gouvernementale a déposé début 2012 un projet de loi relatif à la finance islamique, projet en cours d’étude au niveau de Bank Al-Maghrib. En revanche, la Direction des Assurances et de la Prévoyance Sociale (DAPS) affirme n’avoir pas été sollicitée pour un projet d’assurance islamique. Cette omission risque de retarder inutilement l’émergence de l’activité de banque islamique au Maroc et il conviendrait de mener en parallèle les démarches au niveau de Bank Al-Maghrib et de la DAPS pour que les opérateurs qui souhaitent investir le marché de la finance islamique puissent disposer d’un cadre réglementaire global.
Il conviendra en particulier d’apporter une réponse réglementaire aux questions suivantes :
- Quels sont les types de contrats d’assurances que la banque islamique pourra demander à ses clients – partenaires pour protéger ses financements ;
- Comment évacuer la question de l’assurance décès ;
- En dehors de la réglementation propre à l’activité d’assurance islamique, quelles sont les mesures d’accompagnement nécessaires pour l’instauration d’une industrie du Takaful, notamment en ce qui concerne les marchés des Sukuks et du Re-Takaful ;
- Deux options sont envisageables pour démarrer une activité de Takaful. L’une consiste à créer une structure entièrement nouvelle. L’autre solution étant de cantonner l’activité de Takaful au niveau d’une division spécialisée au sein d’une assurance conventionnelle (Islamic window). Un arbitrage entre les avantages et les inconvénients de chaque formule est nécessaire pour arrêter une stratégie adaptée au contexte marocain.
RIBH
@ Ibrahim :
Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Le fait de démarrer avec un certain retard permet aussi de tirer profit des expériences des autres et de voir les erreurs à ne pas commettre.
Il faut de tout pour faire un monde, entre l’idéalisme des visionnaires et l’opportunisme de financiers cupides chacun se trouve un rôle dans la vie. La vocation des élites politiques est d’arbitrer les choix pour éviter les dérives. Espérons qu’ils soient à la hauteur.
La préparation du terrain tant au niveau de la fiscalité que de la mentalité des gens, risque de prendre des années, voire des décennies et je crains que les autorités marocaines s’y soient pris un peu tard.
Cela dit et concernant les banques islamiques d’envergure dans des pays pionniers dont le Maroc peut s’inspirer comme la Malaisie, encouragent-elles réellement l’action entrepreneuriale des jeunes diplômés ou bien choisissent-elles simplement de financer la consommation comme toute banque classique à travers la Mourabaha ?
@ Ibrahim :
Nous sommes bien d’accord sur le diagnostic. A partir de là, il y a deux stratégies : l’une est d’attendre l’implosion du système pour construire quelque chose d’entièrement nouveau sans savoir à quoi ressemblera le chaos post-implosion. L’autre stratégie étant de commencer à mettre en place des éléments compatibles avec les principes de base de la Charia pour limiter l’ampleur du désastre, ce que la finance islamique a pu accomplir en restant relativement immune à la crise financière, malgré les limites que vous évoquez.
Merci de votre réponse.
On fait bien de complexifier le sujet pour rebuter le citoyen lambda qui s’interroge sur les causes profondes de la pauvreté et de l’injustice sociale qui règnent dans nos pays musulmans et je trouve que tant qu’on a pas remis en cause l’ensemble de ce système basé sur l’intérêt bancaire, les réserves fractionnaires, la non-convertibilité des monnaies en or et/ou argent et la position hégémonique de la monnaie de singe » US Dollar », la situation ira en s’aggravant malgré tous les discours rassurants des politiciens professionnels.
Votre article me conforte d’ailleurs dans l’idée qu’aucune banque islamique digne de ce nom ne peut émerger dans l’état actuel des choses.
@ Ibrahim :
Wa alaykoum assalam,
Cette problématique reste méconnue et ne fait pas l’unanimité. A l’exception de Skeikh Imran Hosein peu de savants musulmans se sont penché sur la nature du système monétaire contemporain, et d’autres chercheurs tels que Monzer Kahf ne partagent pas ce point de vue.
En tout cas pour lever toute ambigüité, nous ne pouvons que souhaiter un retour au système monétaire bimétallique : dinar or et dirham argent.
https://ribh.wordpress.com/2010/11/13/systeme-monetaire-finance-islamique-or/
Salam Alikom,
Ne pensez-vous pas que du moment où une banque islamique fabrique de l’argent ex-nihilo par le biais du système des réserves fractionnaires, elle n’a d’islamique que le nom ?
@ Nizar :
La finance islamique c’est bien sûr un ensemble d’instruments et de contrats, mais c’est avant tout une conception éthique. Une vraie banque islamique ne pourrait pas accepter de reporter le risque sur un contrat d’assurance conventionnelle.
On peut opter pour une autre solution pour ne pas conditionner la création des banques islamiques et retarder par conséquent leur émergence : on peut donner le choix au client entre souscrire à une assurance classique ou bien non. S’il choisit la deuxième alternative et ne souscrit pas d’assurance, on augmentera la marge de profit pour couvrir le risque.