La finance islamique connaît un développement encore limité au Maghreb, mais elle semble promise à un bel avenir

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En Algérie, le phénomène a vu le jour en 1991, les responsables de la banque centrale préférant autoriser l’offre de produits islamiques aux particuliers plutôt que de voir ce secteur passer dans l’informel. En pleine montée de l’intégrisme, naît ainsi la banque Al Baraka, avec pour principal actionnaire un groupe saoudien. Al Baraka ne se voit pas cependant accorder officiellement le label « islamique », car cela jetterait un doute sur l’islamité des banques traditionnelles, fait valoir Alger.

Seul établissement, aujourd’hui encore, à offrir des produits islamiques en Algérie, Al Baraka draine une clientèle qui veut se mettre en conformité avec la religion. Le produit qui marche le mieux est le crédit automobile, « sans doute parce qu’il ne réclame pas d’avoir une grande visibilité sur l’avenir », estime Bouaziz Hamza, doctorant en économie et finances à l’université Paris-I – Panthéon-Sorbonne, auteur d’une thèse sur le sujet de la finance islamique au Maghreb. Depuis 2001, 47 500 véhicules ont été achetés en Algérie grâce à un financement islamique, dont 17 500 pour la seule année 2006. L’immobilier n’est pas encore vraiment concerné, mais cela pourrait venir tant la spéculation dans ce domaine est importante, à Alger surtout.

Si le financement islamique n’a pas mieux percé, cela tient à la faiblesse générale du système bancaire algérien, hérité de trente années de socialisme. Mais dans ce pays où le retour du religieux est fort, la demande potentielle est sans doute élevée.

En Tunisie, il n’y a qu’une seule banque islamique, la BEST Bank (Beit Ettamouil Essaoudi Ettounsi Bank). Elle a été créée en 1983, mais demeure réservée aux institutionnels locaux ainsi qu’aux gros investisseurs, en particulier ceux du Golfe. Les autorités tunisiennes ont en effet évité jusqu’à présent de rendre accessibles au simple citoyen les produits islamiques, vraisemblablement pour des raisons politiques. Plus encore que dans le reste du Maghreb, Tunis redoute tout ce qui s’apparente, de près ou de loin, à l’islamisme.

« Une étape importante a cependant été franchie, en février, avec le vote d’une loi autorisant la création d’une institution islamique internationale en collaboration avec la Banque islamique de développement (BID), souligne Bouaziz Hamza. Cette institution sera chargée de financer et de promouvoir le commerce entre les pays arabes, surtout entre le Maghreb et le Machrek. »

Au Maroc, les produits bancaires islamiques – appelés officiellement « alternatifs » – ont fait leur entrée sur le marché financier le 1er octobre 2007… Les autorités espèrent ainsi faire entrer dans les banques de nombreux Marocains qui règlent leurs transactions en liquide. Seulement 20 % de la population utilise un compte bancaire. Attirer les capitaux des investisseurs du Golfe constitue l’autre enjeu.

Il est trop tôt pour faire un bilan de ce tournant au Maroc. Pour l’instant, seules trois banques classiques proposent des produits islamiques. Les débuts ont été laborieux. Le crédit automobile est, comme en Algérie, ce qui marche le mieux. Ce succès s’explique non pas tant parce qu’il s’agit d’argent « halal » (respectant les préceptes de l’islam) que parce que ce prêt est moins cher d’environ 10 % par rapport aux produits traditionnels, à l’inverse des prêts immobiliers.

En fin de compte, tous les experts le disent : l’avenir de la finance islamique au Maghreb réside davantage dans sa compétitivité que dans sa conformité au Coran…

Florence Beaugé – Le Monde Economie 17/12/2007

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