Celui qui aimait les pauvres

muhammad-alayhi-salam

Parmi les derniers versets révélés à l’Envoyé (saw), il est fait mention de l’interdiction de l’usure. Quelques semaines avant de quitter ce monde, lors du pèlerinage d’adieu, il proclame : « Les premiers intérêts que j’annule sont ceux qui sont dus à Abbas bin Abdul Mutallib. » La Révélation affirme que l’Unique anéantit l’usure et fait fructifier les aumônes. Le commerce est permis, l’usure prohibée. A ceux qui n’y renoncent pas, Dieu et Son Envoyé (saw) annoncent ni plus ni moins qu’une déclaration de guerre. Si, d’un côté, le Prophète (saw) exhortait les gens à éviter les dettes, de l’autre côté, il demandait aux prêteurs d’accorder un sursis à ceux qui étaient dans la gêne. Jusqu’à remettre la dette. Ils leur promettaient, en retour, d’être dans l’Ombre de l’Unique le Jour Dernier.

Banque et finance islamiques

Aujourd’hui, ce qu’on appelle la banque ou la finance islamique représente un marché global de plus d’US $ 500 milliards. Les raisons de cet intérêt nouveau sont multiples. Parmi ces raisons, il y a un facteur que nous ne pouvons ignorer. Après le 11 septembre 2001, les pétrodollars ne sont plus en sécurité dans les banques américaines. Avec l’accroissement des revenus des pétromonarchies, l’émergence de nouvelles puissances financières en Asie et l’enrichissement des populations musulmanes en Occident, il y a un déplacement de capitaux hors des États-Unis. Toutefois, à l’heure de la mondialisation de l’économie libérale, ces fonds se retrouvent vite réinjectés dans le système dominant. D’où la garantie de profits que donnent certaines banques islamiques, comme d’autres assurent des taux d’intérêts.

Or l’interdiction de l’usure, y compris les intérêts bancaires, a pour fondement en islam le fait que la richesse ne peut générer de la richesse sans travail et sans risque. Les pauvres ne deviennent pas plus pauvres parce qu’ils sont pauvres. Aujourd’hui, le service de la dette étouffe les pays les plus endettés, comme à l’échelle microéconomique, le remboursement des dettes tue les pauvres. Le résultat est que pendant la deuxième moitié du siècle dernier, le fossé entre les 20% plus riches et les 20% plus pauvres de la planète a plus que doublé. Et il continue de plus belle de grandir !

Le branding de la banque ou de la finance islamique comme une marchandise, la banalisation de l’éthique islamique qui est désormais dépourvue de sa dimension morale et spirituelle, et les multiples incompatibilités avec l’économie ultra-libérale dominante font que nous sommes plus face à un bricolage économique, au plus une tentative d’adaptation, qu’à une remise en question ou une transformation du système vers plus de justice. Comment peut-on, ici, d’une main promouvoir la banque ou la finance islamique et de l’autre tolérer la corruption, l’exploitation des travailleurs, le blanchiment d’argent, la spéculation, la surconsommation, le gaspillage, l’appauvrissement des plus vulnérables ou encore le pillage des ressources de la planète ?

La nécessité fait loi

Les savants ont unanimement affirmé que la nécessité permet de lever la prohibition, un consensus tiré directement de cinq endroits du Coran. Ainsi, nombreux parmi eux font de la nécessité d’un toit une exception et permettent, avec des conditions, un emprunt avec intérêt. D’autres savants de l’école hanafite avancent que, hors de ce qu’ils appellent un dar-ul-islam, une terre de l’islam, l’interdiction de l’usure n’est pas applicable sous certaines conditions. De nombreuses questions se posent aujourd’hui. Comment ne pas déclarer la guerre à un système économique ultra-libéral fondé sur l’intérêt qui tue des centaines de milliers d’enfants chaque jour par la pauvreté qu’il engendre ? Comment faire fructifier les fonds islamiques, allant de la zakat aux revenus commerciaux clairement licites, sans compromettre les principes fondamentaux de l’islam, et l’essence même de la responsabilité musulmane vis-à-vis des pauvres ? Quelle définition donner à un dar-ul-islam quand nous savons que des millions de musulmans sont des citoyens, égaux en droit, fermement établis dans leurs pays, où ils vivent ensemble avec des concitoyens ne partageant pas la même foi ? Et, souvent, ils sont moins nombreux, et plus riches, que leurs frères vivant dans des pays « musulmans » où le système est loin d’être islamique. Et où les nécessités de base comme la nourriture, le logement, l’éducation ou même les libertés ne sont pas garanties !

Il est impératif que les savants du droit et de la jurisprudence islamique, l’usul-ul-fiqh, et les spécialistes des affaires mondaines se concertent avec comme objectif de définir des solutions aux défis immédiats. Et de proposer une alternative cohérente et globale, les étapes de son application, et les priorités de sa portée.

Cependant, il ne faut nullement penser que la transformation viendra d’en haut. L’exemple prophétique en est la preuve. L’histoire nous apprend que ce sont ceux d’en bas qui feront le changement. Sous l’impulsion d’Hasan al Banna, au siècle dernier, en Égypte, des centaines d’initiatives de coopératives et d’entreprises, refusant tout intérêt bancaire, réussirent à attirer la petite épargne dans un investissement d’envergure, tout en créant des emplois, luttant contre la pauvreté et élevant le niveau de vie. La réforme était certes socio-économique, mais l’inspiration n’était rien d’autre que les paroles de l’Envoyé (saw). Il implorait l’Unique d’augmenter son amour pour les pauvres. Invocation qu’al Banna reprenait, vivait et transmettait…

Abu Abdallah, Zarabes 09/10/2007

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